"Je m'appelle Nelly, et je suis morte dimanche"
Mercredi matin, 10h00, une matinée calme, sans urgences, sans précipitation. Une matinée comme il en existe parfois, pour nous qui vivons en fonction des « aléas du présent », … et du cycle lunaire ;-)
Toc toc, ... je sors la tête de mes paperasses, … Mme VH., toute petite dame au déambulateur se dresse au milieu de l’encadrement de porte de mon bureau. Yeux bleus, robe bleue, cheveux bruns, petite, toute petite.
« Bonjour, » me lance-t-elle d’une voix fragile « Je m’appelle Nelly et je suis morte dimanche »
Un silence.
Elle me fixe, un sourire au coin des lèvres, sûre d’elle, sûre de ses propos, sûre de sa vérité.
Je balbutie un « Pardon ? »
« Je m’appelle Nelly et j’attend la visite du pape. Je suis morte dimanche et pourtant je suis toujours là. Le pape doit venir me dire dans combien de temps je peux m’en aller »
« Mme VH. » lui dis-je, … « Vous ne pouvez pas être morte voyons ? »
« Sisi, … je ne mange plus, je ne bois plus, et Sainte Rita m’a annoncé que j’étais morte, mais le Pape n’a pas encore donné son accord, alors je l’attends. Vous savez s’il vient aujourd hui ? »
Que puis-je lui répondre ? Que c’est impossible, qu’elle n’est pas morte, que le Pape ne viendra pas et qu’elle a rêvé toute cette histoire ?
Son regard me fixe, son sourire se fige, elle est perplexe. Non pas de sa mort, mais bien de mon absence de réponse à sa question. Elle est si convaincue de ce qu’elle me dit, si croyante en Sainte Rita qui vient fréquemment lui rendre visite depuis le suicide de son mari, alors qu’elle était jeune mère de deux garçons, ... Sainte Rita qu’elle prie quotidiennement depuis si longtemps, qu’elle supplie de l’emmener avec elle. Sainte Rita qui s’y refuse et qui l’encourage à rester encore, un peu plus longtemps, le temps que les enfants grandissent, le temps qu’ils se marient, le temps des petits-enfants, … et qui a enfin accepté.
Il ne lui reste qu’à attendre la bénédiction du Pape afin d’être libérée du poids de sa vie.
Elle a l’air heureuse, apaisée d’avoir appris sa mort dimanche.
Je n’ai su lui répondre qu’un « Oh, vous savez, le Pape est fort occupée pour l’instant avec les fêtes, il passera bientôt ! Mais en attendant, il a demandé que vous mangiez et buviez normalement afin d’être en forme pour sa venue »
Heureuse d’une telle nouvelle, elle s’en est retournée dans sa chambre attaquer son petit déjeuner, abandonné sur la table quelques instants plus tôt.