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Un monde en soi

11 août 2013

Aloïs !

Tous les jours elle vient. Elle connaît les horaires par cœur.

Tous les jours elle descend accompagnée de son rolator, passe devant mon bureau et me salue tout sourire.

De temps en temps avec un paquet de chocolat à la main qu’elle m’offre tendrement.

Tous les jours, elle s’installe dans la salle d’activités pour les animations de l’après-midi et discute gaiement avec ses comparses de jeu.

Tous les jours sauf hier.

A bien y réfléchir, avant-hier non plus elle n’est pas descendue.

Depuis quand ne l’ais-je pas vue ?

Presque une semaine … au moins !

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Mme Gh est la Mammy Nova de la Résidence. Un bon visage rond aux cheveux blancs posé sur un corps potelé mais élégant.

Elle est dynamique.

93 ans et elle sort encore au centre commercial,  fait ses courses, part en famille le week-end et festoie à Noël jusqu’aux petites heures du matin.

Elle est intelligente.

Elle présente une mémoire d’éléphant qui lui permet de répondre du tac au tac aux quizz et une vivacité d’esprit qui génère respect et jalousie de la part des autres résidents.

Et elle a des doigts de fée.

Elle peint, colorie, découpe et invente différents bricolages pour son arrière petit-fils. Elle coud. Pour elle-même, pour les autres résidents et pour le personnel. Des jupes, des robes, des ourlets, des tirettes, elle crée, elle répare, elle raccourcit, … tout est possible, tout est réalisable.

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Mme Gh a perdu son mari il y a bien des années. Chez des amis. Après le souper, il s‘est levé, est allé aux toilettes, est revenu s’asseoir à table, et il est mort. Là. D’un coup. Pas un son, pas un geste. Rien. Leur fille était en vacances avec leur petite-fille. Mme Gh n’a pas voulu les déranger, ne les a pas prévenues. Elle a géré le médecin, l’ambulance, et le retour seule à l’appartement. Elle a organisé les funérailles, choisi la date et le cercueil afin que sa fille n’ait plus rien à faire.

Juste pleurer son papa.

Mme Gh a choisi d’entrer en maison de repos afin de ne pas devenir une charge pour ses proches. Elle a toujours fait passer sa famille avant elle. Sa fille unique. Sa petite-fille unique. Et son arrière-petit-fils-unique. Un adorable petit bonhomme colombien adopté à l’âge de 4 mois. Le trésor de Mme Gh. Sa raison de vivre. Depuis des années, elle me parle de lui, me montre les photos, m’expliques ses aventures, ses journées à l’école, ses bons mots, … Je vois grandir ce petit garnement depuis ses 2 ans, auprès d’elle, placardé sur tous les murs de sa chambre.

Mais depuis presque 10 jours, plus rien. Pas un bonjour, pas un coup de fil. Juste le silence et l’absence.

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Aloïs Alzheimer est entré dans sa vie, dans sa famille, dans son havre de paix et de sérénité.

Aloïs Alzheimer a commencé à emporter la mémoire, les règles de bienséance et de sécurité. Il saccage tout sur son passage, torture les proches, angoisse le malade et ne leur laisse aucune chance, aucun espoir.

Aloïs Alzheimer a marqué de son empreinte cette famille si soudée, blessée par la vie, par la mort, par les trahisons, et par les déceptions. Cette famille de femmes qui s’aiment profondément, se respectent, et qui ont appris à se soutenir les unes les autres.

Aloïs Alzheimer s’en est pris à elles.

Il a frappé de plein fouet.

Il a atteint sa fille.

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Au départ, des petits oublis. Ensuite des difficultés à conduire, à gérer le temps. Elle oublie de se nourrir elle et son chien.  Tout se mélange dans sa tête, le brouillard prend place. Son caractère change. Elle devient agressive, contrariée de ne plus pouvoir aller chercher son petit-fils à l’école. Elle ne viendra plus non plus chercher Mme Gh. à la Résidence. La dernière fois, elle a pris le boulevard à contre sens. La dernière fois, … c’était la dernière fois. Depuis, elle est placée dans un centre neurologique. Elle est jeune et fort atteinte. Moins de septante ans, et déjà incapable de vivre seule.

Mme Gh est malheureuse. Pourquoi Aloïs a-t-il frappé sa fille et non elle ? Pourquoi Aloïs prive t’il le petit bonhomme de sa grand-mère plutôt que de son arrière-grand-mère ? Pourquoi Aloïs oblige sa petite-fille à faire le deuil de la maman qu’elle a connu ?  Pourquoi l’oblige-t-elle à s’occuper dorénavant de son fils ET de sa mère ? Si jeune !

Mme Gh se sent inutile. Elle se sent de trop. Une charge, un tracas de plus pour sa petite-fille qui viendra dorénavant elle-même, la chercher pour passer le week-end, festoyer les soirs de fête, et visiter sa fille au centre neurologique.

Heureusement, le petit bonhomme, tout sourire, est là pour émerveiller son regard et pour lui dire combien elle est indispensable à sa mère et à lui, combien, une fois encore, ils ont besoin de son soutien et de sa force pour affronter les malheurs que la vie a dressés sur leur route.

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"La jeune couturière" de Jean-François Millet

"La séparation" de Edvard Munch

"Guernica" de Picasso

"Le désespoir" de Edvard Munch

"Lenfant du Tibet" de Gatoune6

 

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31 juillet 2013

Mes aventures

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Après avoir encaissé la nouvelle de mon licenciement et négocié mes indemnités de sortie, je me suis retrouvée soudainement libre de tout mon temps, à la maison, entourée de mon homme et de mes 3 cabots.

Pas de procédures administratives à entreprendre vu que j’ai 7 mois de préavis tout frais payés, …  tout en restant bien tranquillement au milieu de mon petit paradis vert.

Cependant, ... pas question de rester à ne rien faire pendant 7 mois. Il faut continuer à chercher un travail dans la région. Un an que je parcours les annonces, un an que je postule dans des fonctions qui ne sont pas les miennes, aucune offre d’emploi en Maison de repos ne se présentant à moi.

Mais voilà qu’une annonce parait : « employée administrative » à mi-temps dans la maison de repos du CPAS de la ville voisine !

Une aubaine, j’envoie mon CV et attends, impatiente, les nouvelles. Trois semaines plus tard je suis convoquée pour la 1ère épreuve écrite.

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Je m’y rends sans aucune crainte, l’annonce ne demandant ni formation, ni expérience dans le milieu et me sentant sûre de moi sur ce coup là.

Dans la salle, nous sommes 30, assis chacun à une table, nous jaugeant, nous observant, nous comptant, évaluant lequel d’entre nous pourrait nous rafler la place sous le nez, ou lequel pourrait être pistonné et sûr d’obtenir ce poste tant désiré.

On nous distribue les feuilles, ... au top, nous les retournons et découvrons LA question ! Deux heures pour répondre à l’unique énoncé …. « Le vieillissement de la population : quelles solutions notre société a à offrir à ce nouveau problème ?» … Wouawwwww, les bras m’en tombent ! Je scrute mes voisins, … tous semblent figés, en arrêt, sidérés par la question.

Moi je jubile, … une question écrite pour moi ! Et je rédige, rédige, encore et encore, … 4 pages de dissertation sur un sujet que je maîtrise parfaitement et qui me passionne.

Mais mes pauvres comparses … aucun diplôme requis, aucune expérience demandée … ils se sentent floués, et je les comprends !

Ensuite vient l’attente, … je me remémore chaque idée développée, me demandant si j’ai traité le sujet comme ils le demandaient, si je ne passe pas pour une idéaliste, si …, si … et j’attends.

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Trois semaines plus tard, … la délivrance : je peux me présenter à la deuxième épreuve intitulée « Utilisation des logiciels informatiques » qui a lieu une semaine plus tard. Une semaine à ressortir les livres adéquats, à les étudier et à faire diverses expériences sur mon PC. Les logiciels, je les utilise tous les jours, tant dans ma vie personnelle que professionnelle, mais je n’ai jamais suivi de cours d’informatique et n’ai donc aucune notion théorique. Si je ne maîtrise pas qqch, … pas de soucis, je cherche, je tâtonne, et sillonne internet afin de trouver une solution, ... mais de là à être apte à présenter un examen, … le stress monte tout à coup.

Le jour redouté arrive, … nous sommes 7 dans la salle.

Une question sur  Word, une sur Excel et une sur le publipostage !

Quelle grande idée ais-je eu de potasser mes bouquins toute la semaine. Grâce à eux, je termine la première l’épreuve, sûre d’avoir réussi et de pouvoir passer à la troisième épreuve.

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Nous sommes mi-juin quand je suis convoquée pour l’entretien oral. Je m’y rends, à nouveau détendue, et me présente à trois personnes travaillant pour la Commune.

L’entretien se passe à merveille même s’ils présentent une légère réserve quant à mes « surqualifications » par rapport au poste proposé. On m’interroge sur mes capacités en comptabilité et me sous-entend qu’un autre poste, en remplacement, se présente bientôt dans la même résidence. Je sors de là totalement rassurée, persuadée qu’ils ne peuvent en aucun cas choisir quelqu’un d’autre que moi … cette Maison de repos est faite pour moi !

La semaine suivante, un appel et une voix charmante m’annonçant que je suis l’Elue et que l’on m’attend deux jours plus tard pour commencer dans ma nouvelle fonction. Je vous passe ma déception et mon désarroi, deux minutes plus tard, quand la charmante voix me demande d’apporter mon passeport APE, autrement dit, mon inscription comme demandeur d’emploi.

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Le monde s’écroule autours de moi, … je ne suis pas chômeuse, je suis toujours sous contrat chez mon employeur précédent et je risque de perdre cette place pcq je ne suis pas demandeur d’emploi … Aucune solution possible pour le CPAS, il faut ce document pour pouvoir être engagée !

Commencent alors les démarches et les coups de fil pour découvrir les modalités de ce fameux document, et les négociations avec mon ancien patron afin qu’il m’établisse une fin de contrat au 30 juin, tout en conservant mes indemnités.

Il accepte, m’envoie mon C4, je m’inscris comme demandeuse d’emploi, reçois mon fameux passeport APE et commence à travailler le 03 juillet.

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Le jour de la signature de mon contrat, on me propose un deuxième mi-temps en remplacement en comptabilité, ... et je commence le 05 juillet !

Voilà le petit résumé de certaines demes aventures qui justifièrent mon silence … en effet, mes deux mois à la maison me permirent également d'accueillir à la maison un nouveau comparse à 4 pattes, ... et ma chère et tendre grand-mère ! Mais ce sera une autre histoire !

28 juillet 2013

Mme Dt : La garde-robe

« Bonjour, est ce que c’est chez vous qu’on peut avoir de l’argent ? »

« De l’argent ? Oui, je peux vous en prêter, mais d’habitude vous gérez seule vos finances et allez vous-même à la banque quand vous avez besoin d’argent. Pourquoi m’en demandez-vous tout d’un coup ? »

« Pour acheter une garde-robe. Celle que j’ai est trop petite, il m’en faut une nouvelle et je suis allée chez Ik.. pour en commander une »

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« Et pourquoi vous ne la payez pas vous-même ? »

« Parce que c’est trop cher ! »

« Et … ? »

« Et du coup, vous allez la payer pour moi »

« Je veux bien vous avancer l’argent Mme Dt, mais je vous le refacture le mois prochain »

« Non, je n ‘ai pas assez d’argent ! »

« Mais Mme Dt, je ne vais pas payer une garde-robe à votre place. »

« Pourquoi pas ? »

« Mais, …  parce que je ne vais pas vous « offrir » une garde-robe»

« Vous pouvez bien payer la moitié ou 1/4, non ? »

« Non, je suis désolée, même pas 1/4. Mais, … vous avez commandé ou fait un devis, pour cette armoire ? »

« J’ai commandé !»

« Mais Mme Dt, … on ne commande pas qqch si on ne sait pas le payer, enfin, … ça ne se fait pas, voyons. »

Je regarde le document qu’elle tient dans la main, … ouf c’est un devis.

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« Oui, mais moi je ne garde pas mes vêtements dans une caisse sous mon lit. La garde-robe qui est dans la chambre est trop petite, il m’en faut une deuxième ! »

« Etudiez la question avec vos enfants, ils peuvent surement vous aider et peut-être vous apporter une petite armoire supplémentaire. »

« Non, on est en dispute, je ne leur demande rien. »

« D’accord, mais si vous ne savez pas payer la garde-robe, alors vous ne l’achetez pas. »

« Vous pouvez me faire crédit, et je rembourse en 3 ou 4 mois. »

« Mme DT, … je ne suis pas une banque. Je ne fais pas de crédit. Je peux vous avancer la somme et vous la refacturer le mois prochain. Ou si vous voulez, vous allez chercher 100 euros ce mois-ci sur votre compte, et je vous facture la suite le mois prochain. »

« Non, je vous rembourse en 3 ou 4 mois ! »

« Non, Mme Dt, ce n’est pas possible. La comptable va me taper sur les doigts si la somme n’est pas remboursée en une fois. D’ailleurs, si je me souviens bien, vous n’avez pas encore payé la facture du mois passé. Et vous avez donc déjà un crédit. Attendez, je vérifie. »

« Si j’ai payé ! »

« Non, Votre compte est ouvert. Nous n’avons pas reçu le payement »

« Si j’ai payé »

« Vous avez peut être payé, mais il se peut qu’il y ait une erreur sur le virement et que le payement ne soit pas passé à la banque, parce que l’argent n’est pas arrivé sur notre compte »

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« Si j’ai payé, regardez » Et elle me sort de son portefeuille le bon du virement de la facture avec inscrit comme date « 12/02/2030 »

« Ah vous voyez, avec cette date-là, le virement n’est surement pas passé. Il faudrait que vous appeliez votre banque pour qu’elle refasse le payement. Nous ne sommes pas en 2030 »

« Ah, ça je ne sais pas moi. »

« Vous savez qu’on est en 2013 Mme Dt, pas en 2030 ? »

« Mme DT ? »

« Mais comment vous savez que l’argent n’est pas sur votre compte. Et comment je fais d’habitude pour payer moi ? Qui s’occupe de tout ça ? »

« Mme Dt, … ça va bien ? D’habitude vous gérez toutes vos affaires toute seule sans problème. Il me semble que depuis plusieurs semaines, ça ne va pas fort, vous. »

« De l’argent ? bien sur que j’ai de l ‘argent, qu’est ce que vous croyez »

« Je ne vous parle pas d’argent, je dis que vous êtes un peu dans le brouillard pour l’instant, que ça ne va pas très bien. »

« Ah oui, en effet, ça fait 10 jours que je suis au lit. Qu’est ce que je dois faire alors ? »

« Appelez votre banque, pour le virement. »

« Quel virement ? »

« Celui de la facture du mois passé. »

« Mais j’ai payé le mois passé ! »

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« Aaargh … oui mais l’argent n’est pas arrivé sur notre compte »

« Vous ne me faites pas confiance, c’est incroyable, je vous dis que j’ai payé. Le Docteur V., lui, il le sait »

« Qu’est ce que le docteur V. vient faire dans cette histoire ? »

« Il me connaît depuis des années et il a confiance en moi. C’est pas comme vous. Et rendez-moi mon catalogue Ik.. »

« Je n’ai pas votre catalogue Mme DT. »

« Si vous l’avez. Vous avez regardé ma garde-robe dedans»

« Non, j’ai regardé le devis de la garde-robe, pas le catalogue »

« Si ! J’avais le catalogue, je vous l’ai donné et maintenant vous allez me le rendre »

« Mme DT, vous voyez bien que je n ‘ai pas votre catalogue sur mon bureau. Je n’ai jamais vu votre catalogue »

« Si vous l’avez. Et d’ailleurs si j’ai repris la gestion de mes comptes, c’est parce que ma petite fille devait rentrer à l’hôpital et après, je ne lui ai pas rendu ma carte »

« Oui, tout ça je le sais Mme Dt »

« Comment vous le savez ? »

« Parce que vous m’en avez déjà parlé de nombreuses fois de votre petite-fille, de votre fils et de vos disputes »

« Ah ben ça »

« ??? »

« Jamais je n’aurais pensé ça de vous, … je ne vous ferai plus jamais confiance maintenant ! »

« … »

Elle se lève, s’en va, …et je reste coi.

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Deux heures plus tard, elle revient vers moi, m’annonce qu’elle s’est en effet trompée dans le virement, qu’elle a retrouvé son catalogue et que finalement, une garde-robe n’est pas indispensable pour l’instant, et qu’elle s’en passera. Elle s’approche de moi et me fais un gros bisou sur la joue en me disant « Suis si contente que tout soit arrangé. J’avais si peur que tu me prennes pour une menteuse et une malhonnête. Je suis vraiment contente. »

Comme quoi  … 

25 juillet 2013

Les raisons de mon silence!

Voici quelques semaines que je ne dis mot, voici quelques semaines que mon blog est au repos, ... voici tout simplement quelques semaines que j'ai perdu mon job, ...  pour raison économique. Du jour au lendemain. sans un mot, sans un avertissement, de but en blanc, on m'annonce la nouvelle ! Vous qui me lisez, savez à quel point mon travail était important pour moi, à quel point je m'y étais investie, et à quel point j'avais coeur de rendre "ma" maison de repos, un lieu de quiétude, de partage et d'affection. 

Je ne vous cache pas que la nouvelle fut un véritable choc, terriblement difficle à encaisser. 

Du jour au lendemain, je me suis retrouvée à la maison, éloignée de mes collègues, éloignées de mes "résidents", éloignée de ma Résidence.

D'où mon silence!

Depuis, après multes aventures, examens et entretiens, j'ai retrouvé deux mi-temps dans une maison de repos, ... à 7 minutes de chez moi.

J'y travaille dorénavant comme comptable (en remplacement) et "accueillante".

J'espère que ce nouveau monde dans lequel je suis dorénavant la dernière arrivée et la plus novice,m'apportera autant de joie et de bonheur que celle de Bruxelles, ... et je pense, que, peut être, de nouvelles sources d'inspiration pourraient m'apparaître au fil des jours et ainsi refaire vivre ce blog qui me tenait tant à coeur.

A très bientôt à tous, j'espère 

21 mai 2013

L'amitié

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De temps en temps, une amitié singulière se tisse entre un membre du personnel et un résident. Une affinité particulière, une tendresse réciproque, une communication naturelle, et deux êtres que tant d’années séparent se retrouvent à partager leur vécu et leur expérience.

Les sensibilités des unes ne sont pas nécessairement celles des autres. Le « chouchou » de Laurence est peut être la bête noire de Magali, et la douce démence de Mme Ti. attendrit Marion tout en agaçant Julie.

C’est ainsi que Coralie et Mme VN. se trouvèrent.

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Coralie est une aide-soignante de 25 ans. Toute jeune, toute fragile, toute abandonnées des siens. Fille de foraine, et élevée par sa grand-mère, elle n’a jamais entendu de « Tu es belle ma chérie », « Tu es si gentille » ou simplement « Je t’aime » de la part de ses proches. Elle s’est créé, à travers son adolescence, une personnalité opposée à sa nature. Une personnalité provocante, sûre d’elle, qui joue de son corps et de ses rondeurs alors que celles-ci sont justement causes de complexes et de mal-être.

C’est une gentille fille. Une vraie gentille, terriblement sensible, terriblement attachante, et terriblement tête en l’air. Toujours dévouée à son travail et aux résidents, elle remplace les absents, que ce soit le jour, la nuit ou les week-ends. Vénus callipyge au décolleté plongeant et à la mini-jupe, Coralie ne laisse personne indifférent. Maternée par certains ou rejetée par d’autres, c’est une âme torturée qui se cherche, une âme en perdition, qui a trouvé Mme VN.

 

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Celle-ci est une résidente forte, très forte, très très forte. Clouée à sa chaise roulante suite à un AVC, seul son bras gauche lui permet encore un peu de mobilité. Totalement dépendante pour chaque acte de la vie, incapable de se retourner seule dans on lit ou de se redresser dans sa chaise, Mme VN. est donc constamment en attente d’un soutien ou d’une aide de la part du personnel. La douleur engendrée par la position assise l’oblige à retourner dans son lit dés la fin du repas de midi. Malgré cette souffrance, malgré les conséquences subies de la vie et de son accident cérébral, Mme VN. ne se plaint jamais. Ne se fâche jamais. Ne rouspète jamais. Elle demande les choses. Gentiment et calmement. Sa voix est douce et chaleureuse, chantante. Parfois elle doit redemander une deuxième, voire une troisième fois. Mais jamais la tonalité ne sévit ou la mélodie ne s’aggrave.

Une permanente impeccable et de grosses lunettes attachées à un collier encadre son visage doux et rond. Tous les matins, vers 11h30, elle vient boire son petit pineau avec les autres résidents dans le jardin d’hiver. 

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Ses colocataires sont aux petits soins avec elle. Ils vont lui chercher son apéro, lui prépare une paille et l’aide à tenir son verre de sa main valide. Elle colorie en leur compagnie quelques dessins ou mandalas thérapeutiques, chante lors de l’activité « musique » du vendredi matin, et participe comme elle peut à la gymnastique en groupe deux fois par semaine. Elle profite pleinement de ses moments de chaleur et de partage avant de retrouver la solitude de sa chambre et de son lit pour le reste de la journée. Et là, … elle regarde la télévision .Elle connaît toutes les séries de l’après-midi, connaît les horaires et les chaines à programmer. Elle est la reine de la zapette et du téléphone qu’elle utilise plus facilement que la sonnette dés qu’elle a besoin de quelque chose. Toujours avec sa seule main valide.

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S’occuper de Mme VN n’est pas, au vu de son poids et de sa corpulence, une affaire aisée. Coralie est toujours volontaire pour s’occuper d’elle. Elles ont en effet très vite su trouver la manière de s’apprivoiser et de se comprendre. Leur gentillesse respective les a peut être rapprochés. A moins que ce ne soit leur douceur cachée au fond de leur corps trop encombrant qui les a aidées à se comprendre. Tout ne s’explique pas nécessairement. Mais ces deux-là s’apprécient, se soutiennent, et sont bénéfiques l’une pour l’autre. Coralie amène d’ailleurs fréquemment, quand elle est en congé, Mme VN. au restaurant au coin de la rue, pour le repas de midi. Grâce à elle, Mme VN. sort un peu le bout de son nez de la Résidence, prend l’air et admire la nature qui entoure la Maison. Quand elle travaille de nuit, Coralie prend ses quartiers dans la chambre de Mme VN. et y passe son temps, entre les différents tours de change et les réponses aux sonnettes et appels des résidents. Elles regardent un film ensemble et papotent.

Elles se ressemblent toutes les deux. On pourrait les imaginer issue du même arbre généalogique, de la même souche. Un duplicata de la même personne, à 60 ans d’écart.

Coralie la sauvageonne et Mme VN, la philanthrope, deux âges, deux personnalités, un même lien, l’amitié.

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Photos du film "Intouchables"

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13 mai 2013

Histoire de couples : 2ème partie

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Mr et Mme N sont un couple de fonctionnaires. Sans enfants et sans famille, ils se sont toujours débrouillés seuls et n’ont jamais cédés qu’à leurs propres envies et besoins.  Monsieur  est un dominant. Autoritaire, agressif et imposant, il vaut mieux ne pas se heurter à cette armoire à glace mal éduquée qui hausse le ton et insulte la première personne qui le dérangera. Madame, quant à elle, tente d’arrondir les angles. Mais n’étant pas totalement soumise, elle tient de temps en temps tête à son arrogant de mari, provoquant à l'occasion des disputes qui peuvent durer plusieurs jours voire plusieurs semaines. Puis, un jour, victime d’une hémorragie cérébrale, Madame se retrouve mal voyante et désorientée. Mr N. ne tient pas du tout d'avoir à sacrifier son bien-être pour son épouse et demande à ce qu’elle change de chambre le plus rapidement possible. Il ira même jusqu’à demander son euthanasie. Demande, bien évidemment irrecevable.

Mme N. se retrouve dans une nouvelle chambre, cherchant ses repères tout en  attendant une visite de son mari. Elle attendra plusieurs semaines. 

Actuellement, Monsieur N. vit sa vie principalement seul. Chaque vendredi midi, il sort dîner au restaurant. Toujours seul. Il lui arrive parfois d'amener son épouse aux activités en la prenant par la main ou par l’épaule. Pendant ces rares moments de retrouvailles, Mme N. profite renonce à ses inquiétudes pour simplement serrer très fort la main de son mari.

 

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Mr VK et Mme F. se sont quant à eux, rencontrés à la Résidence. Légèrement désorientés tous les deux, ils se sont concocté une petite vie amoureuse paisible et simple. Lui est un gentil bonhomme moustachu charmeur, elle, une nature gaie, riante et sociable. Malheureusement,  la démence évolue au fils des mois et chacun s’éloigne chaque jour un peu plus de la réalité. Mr se fait de plus en plus entreprenant, parfois jusqu’à des actes que madame ne semble plus cautionner.

A quel moment d’une démence, peut-on établir s’il y a encore ou non consentement du partenaire ? La question s’est posée.

Et nous avons dû veiller à ce qu’ils ne se voient plus que dans les pièces communes, restaurant, salles d’activités, véranda et jardin, afin de préserver madame des avances de plus en plus insistantes de son Don Juan.

 

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Mme C. et Mr J. se sont également rencontrés à la Résidence. Très vite ils sont devenus inséparables. Enfin, Madame surtout ! Monsieur, lui, charmeur désorienté, s’accomode en effet de n’importe quelle dame qui accepte un petit bisou de sa part. Au grand dam de sa dulcinée qui passe son temps à surveiller où il disparait et qui il tente de séduire. Elle le surveille pendant les repas, l’empêche de manger tranquillement au point qu’il en perd quelques kilos. Elle l’emmène avec lui partout : au jardin, dans la véranda, au salon, chez la coiffeuse, chez la kiné... Le pauvre bougre la suit difficilement, trainant le pas et faisant de gros efforts physiques pour lui emboîter le pas dans toutes ses activités. Afin d’être sûre et certaine de l’avoir pour elle seule, elle va jusqu’à le chercher après le couvre-feu dans sa chambre et le ramène chez elle pour passer la nuit. Le pauvre homme dort depuis peu dans le canapé, madame n’acceptant plus ses petits accidents urinaires nocturnes dans ses draps tous propres. Finalement, nous avons convaincu les deux familles, fortement réticentes à la base, de les regrouper dans une même chambre afin de procurer un plus grand confort de vie et de nuit à Mr J. L’argument de poids fut … que la chambre double est moins chère qu’une chambre seule !

 

"Embraced by love" 

"Au coeur de la vage" de Marie 19

 

9 mai 2013

"Sourde" par Mihélau

Mithélau se glisse dans la peau de ses patients pour nous relater leurs différentes paroles ou pensées, divers états d'âmes qu'il rencontre tout au long de ses visites de médecin généraliste dans les Maisons de repos

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Je n'entends rien !

Grrrr.

Elle est agaçante à me postillonner dans la figure.

Et si elle pouvait me lâcher les épaules !

Pffff.

Avec son sourire béat.

Quoi ?

Elle s'imagine que j'ai compris un seul mot de sa tirade?

Je n'entends rien !

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Elle a beau s'essouffler, s'étrangler dans sa salive, trépigner en me secouant, je n'ai rien compris à ce qu'elle m'a hurlé dans le visage.

Elle veut quoi au juste?

Me faire boire, me laver, me conduire à la toilette, m'appeler pour le repas?

Pfff.

 

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Je n'entends rien !

Mais qu'elle se penche près de mon oreille, qu'elle me murmure ses désirs, qu'elle me susurre ses ordres, qu'elle soit douce avec moi au lieu de crier.

Alors peut-être,

Je lui dirai où se trouve mon sonotone.

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5 mai 2013

Fonction : Hôtesse d'Accueil

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De la patience ! … voilà la qualité indispensable à cette fonction.

Un joli minois, une bonne présentation, et une voix douce, ne sont bien sûr, pas superflus. Un sens des responsabilités, une bonne organisation de travail, une conscience professionnelle et la capacité à se gérer seul sont autant d’atouts pour la fonction, c’est évident.

Mais la patience … oh, oui, la patience, … peu de gens en possèdent suffisamment pour assumer cette fonction correctement, poliment et déontologiquement.

Cindy, elle, en a ! Plus que la moyenne des gens, … et bien plus que moi.

Son bureau est situé à l’entrée de la Résidence, à coté du mien. Et ma porte étant majoritairement ouverte tout au long de la journée, j’entends assez facilement tout ce qui se passe à l’accueil.

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Et chaque jour, … Cindy m’épate.

Par son calme, par sa patience, pas sa gentillesse, par son attention envers les résidents, et sa disponibilité envers le personnel.

Pas étonnant qu’elle ait été choisie comme « personne de confiance » dans l’établissement par l’ensemble de nos collègues. Elle est toujours prête à vous rendre service sans que cela ne semble la gêner. Attention, elle a son caractère ... et un caractère bien trempé. Elle ne se laissera pas mener par le bout du nez et n’abusez de sa confiance qu’une seule fois, ... après vous ne tirerez plus rien d’elle. Pas même un sourire.

Mais elle est juste. Juste dans ses réactions, juste dans ses propos et elle ne se laisse pas emballer par ses propres états d’âmes face aux résidents. Elle reste en adéquation dans ses réactions avec leur comportement ou demandes continuelles. Ce que moi personnellement, j’ai un peu plus de mal à faire.

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Son bureau est le centre stratégique du transfert des informations au sein de la Résidence. Polyvalence, cuisine, infirmière, aides-soignants, maintenance, kinés, fournisseurs, coiffeurs, pédicures et direction, … tous avons besoin de ses fichiers, de sa présence, de ses connaissances et informations chaque jour que nous passons au travail.

Elle a un pied dans chaque service, tout en ne quittant pas son bureau. Elle connaît, d’ailleurs, bien mieux chaque résident et chaque famille que la majorité du personnel.

Elle organise seule son travail, gère des dizaines de fichiers, transfère toutes les infos reçues aux différents départements, s’occupe de nombreux échanges avec fournisseurs, prestataires ou contacts à l’extérieur de la Résidence, écrit une multitude de lettres, fax et mails, tout en répondant aux coups de téléphones incessants et aux nombreux résidents, familles ou travailleurs qui pointent le bout de leur nez à la vitre de son bureau.

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Avec patience, et sourire.

Elle répond gentiment pour la nième fois à Mme Vh que sa fille ne viendra qu’après 17h, elle décroche une fois de plus le téléphone pour dire à Mme Ch que, oui, elle le réveillera à 16h30. Elle appelle pour la 3ème fois la responsable du 2ème étage pour lui dire que Mr F. a renversé son verre et qu’il faut nettoyer sa chambre. La famille de Mme T. est de nouveau là, à se plaindre du linge mal rangé dans l’armoire, et le fils de Mme B. attend son tour pour rouscailler sur le repas du midi qui n’a pas été établi selon les désidératas de sa maman. Et elle garde le sourire, et elle écoute longuement, et elle répond poliment. Elle se prend toute la mauvaise humeur du monde dans la figure chaque jour, … et elle garde son calme. Elle craque de temps en temps, mais c’est rare. Elle vient alors prendre une bouffée d’oxygène dans mon bureau et s’en retourne 10 minutes plus tard à son poste, comme si de rien n’était.

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Elle m’épate.

Et ce … également dans sa vie personnelle. Car c’est avec la même patience qu’elle élève ses deux petites filles, avec le même calme qu’elle affronte sa nouvelle grossesse, avec le même caractère trempé et décidé qu’elle gère l’apprentissage d’un nouveau mode de vie face à la maladie d’une de ses filles, et avec la même disponibilité et gentillesse qu’elle assiste autant sa famille que sa belle-famille dans la gestion des tracas de la vie quotidienne.

Cindy, est une femme admirable et une collègue précieuse … et je redoute déjà, la longue et terrifiante absence, engendrée par son futur congé de maternité.

18 avril 2013

Brèves de transport ...en commun: 1ère partie

Pour relier mon petit coin de paradis campagnard à mon grand bureau citadin, il me faut pas moins d’une voiture, un train, un métro, un bus et deux jambes. Les 136 km qui les séparent sont ainsi parcourus en 3 heures, chaque matin et chaque soir. Ajoutons ces 6 heures de trajet aux 8 heures de travail quotidien, et vous comprendrez que mes journées sont un petit peu chargées et mon humeur pas toujours au beau fixe lorsque j’emprunte ces différents moyens de locomotion et que je me retrouve confrontée à leurs divers désagréments.

dyn009_original_340_340_gif_389_28a896dee3a36c9e88aaade99aecf96eAinsi, je ne supporte plus le mélange d’odeurs pestilentielles rencontré dans le bus, comprenant relents de transpiration, émanations de malpropreté et effluves de parfums acres et vigoureux.

horloge_10h30Je suis fatiguée de ne subir les retards de trains que lors du trajet « retour ». Toujours à l’heure pour m’emmener travailler, toujours en retard pour me ramener chez moi, … n’est-ce pas une l’injustice ?

QJCAK35YKECA8BOCJ3CAZX8JPICAW73ETFCAZ654O8CACY9J9VCA6E740WCAZU2EEMCA6CLUBECAMYZHAJCARTAWQLCAAFL8BDCAQFYPIKCA93JVIGCAPJMMIVCAHRR3SECAKEZJ8YCAHAMLBLCA0HMZ9ZJe suis agacée de prendre le métro dans la seule station où le personnel est manifestement atteint de graves problèmes auditifs. Les hauts parleurs, réglés comme en discothèque, nous assomment d’une musique branchée tonitruante contrastant avec l’effet si relaxant que pourraient nous procurer les sculptures de fer décoratives implantées tout au long du quai.

poussetteJe bous en voyant toutes ces mères de familles nombreuses vous écraser les pieds et vous cogner les tibias de leur poussette, insistant pour absolument rentrer leur chérubin dans ce bus bondé, peu importe le monde et la place.

bonhomme_neigeDans le train, je m’énerve que l’air conditionné soit automatiquement branché. Quelle que soit la saison, … je suis emmitouflée, et bien souvent gantée. Une écharpe autour du cou, une me protégeant les jambes des courants d’air subits à chaque ouverture de portes, et une posée sur ces foutues grilles d’aération, complètent mon accoutrement. Je ne vous raconte pas le look. Les contrôleurs me connaissent et surtout me reconnaissent sans difficultés, ... même plus besoin de leur montrer mon abonnement.

busvr2Je peste lorsque les vacances scolaires débutent et que les horaires de bus sont allégés. Je n’ai que 33 minutes  pour rallier mon bureau au quai n°12, alors, … avec un passage toutes les 10 minutes, mieux vaut ne pas le louper !

alerteJe tremble dés que retentit le signal sonore, annonciateur d’un message prioritaire de notre contrôleur. Il ne présage que de mauvaises nouvelles, … l’intérêt est seulement de découvrir le temps de retard que l’on va accuser aujourd’hui.

D’un autre côté,

fouleJ’aime me planter en plein milieu du hall de la plus grande gare de Bruxelles (et peut être de Belgique) et observer la masse grouillante de gens qui le traversent. Tous ces gens qui se croisent, se heurtent, qui courent, qui cherchent, qui se dépêchent et qui ne font pas le moins du monde attention à ce qui les entoure tant ils sont concentrés sur l’aiguille du temps, me fascinent. Chaque protagoniste est une identité, une âme, un esprit, une vie qui passe en un coup de vent devant moi et part vers sa destinée. Ce flux d’énergie et de diversité est terriblement enivrant.

TrainJe suis systématiquement en admiration devant la gentillesse du personnel de bord des trains. D’une politesse exemplaire, ils sont d’une patience et d’une douceur avec les passagers énervés, irrités ou franchement grossiers qui les assaillent et les tiennent pour responsable de tous les torts de la SNCB.

dyn007_original_480_343_gif_2677837_2f35328ba09146c66b6bf563260dc411Je suis amusée de côtoyer la jeunesse actuelle dans le bus, accrochée à leur téléphone portable et leur lecteur de musique, les écouteurs branchés, et les pantalons taille-basse sous les fesses. J’observe les rites sociologiques actuels et essaye de décrypter la signification d’une accolade, d’une poignée de main, d’une bise ou d’un « boum boum » sur le pectoral gauche. 

gaston_paresseJe suis fière de faire partie du club des « 5h35 ». Les courageux du matin, les lève-tôt du quartier qui, chaque matin, arpentent le quai désert et obscur de notre petite gare. Une solidarité et un respect mutuel s’est installé entre nous, même si j’ose dire, que je ne suis pas la plus loquace. A cette heure-là, vous ne risquez pas d’entendre autre chose qu’un faible « bonjour » à peine marmonné. Cela dit, il faut nous voir, « mépriser » (façon de parler) les usagers du « 05h56 » que nous sommes contraints de côtoyer lors de l’annulation de notre « 5h35 » … pfff, des fainéant, des paresseux, voilà ce qu’ils sont !

 

16 avril 2013

Histoires de couple : 1ère partie

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En maison de repos, on croise des célibataires endurcies, des veuves éplorées ou soulagées, de très rares divorcés et des « amoureux » des premiers … et/ou derniers jours.

Qu’ils se soient rencontrés il y a plus de 60 ans, mariés en secondes noces, ou découverts il y a juste 4 mois, divers amoureux arpentent les couloirs de notre Résidence.

 

0_51562700_201234793545_IMG_3039Il y a le couple M., du premier étage. Inséparables, ils ont décoré leur chambre de meubles d’époque et de tableaux peints par Monsieur. Ils ne sortent de leur havre de paix que pour raccompagner leurs enfants à l’entrée ou pour signifier un malentendu avec un autre résident. Discrets et calmes, ce sont de vrais petits résidents « modèles ». Pas une dispute ne vient perturber leur paisible quotidien. Une hémorragie cérébrale les avait contraints à entrer chez nous il y a 4 ans, alors qu’ils entamaient la septantaine. Aujourd’hui, tout va pour le mieux du monde, … et ils retournent vivre dans un appartement à la fin du mois.  

coeur_brise_2Il n’en va pas de même avec Mr et Mme B. Ces deux là se chamaillent constamment.  Madame présente une démence avancée que Monsieur n’admet et ne comprend pas. S’en suivent disputes, colères et … réactions violentes. Monsieur vire au « rouge écrevisse » dés que sa moitié émet des propos incohérents, ou commet une petite fantaisie. D’une grande sensibilité et les nerfs à fleur de peau, il n’arrive plus, au fil des mois, à maîtriser son impulsivité et devient de plus en plus agressif envers elle. Il faut cependant préciser, que Madame n’a pas sa langue dans sa poche et n’a manifestement jamais eu coeur_brise_2l’habitude de se faire mener par le bout du nez par son époux. Peu ou pas de doute sur l’identité du « chef » de ménage, tout au long de leurs cinquante-six ans de mariage ! Malheureusement, l’agressivité et la brusquerie augmentant, nous avons dû les séparer de chambre dans un premier temps, puis finalement de Résidence. Madame est partie dans une maison spécialisée,  et Mr B., … s’est réconforté dans les bras d‘une voisine farfelue, et rigolote, qui est, depuis, aux petits soins avec lui.

 

DSCN0647Mme V, quant à elle vient de perdre son mari. 65 ans de mariage, pas d’enfants, une vie d’aventures, de voyages, et d’accidents ont fait de ce couple un modèle de tendresse. Toujours main dans la main, madame V.  s’est occupée de manière totalement dévouée, de son mari pendant toutes les années que durèrent sa maladie. D’une nature souriante, douce et calme, elle a toujours relativisé la fatigue ou la souffrance que cela engendrait chez elle. Jusqu’au jour où son époux a sombré dans un état comateux. La douleur de le voir ainsi s’éterniser dans un état végétatif lui fit espérer sa mort. C’est donc avec soulagement qu’elle apprit un matin celle-ci et, qu’elle put, elle qui avait, petit à petit, fait le deuil de son époux tout au long de ces mois de maladies, recommencer à vivre seule, sereinement. Tristement, …  mais sereinement.  

3229150_collage_avec_coeur_des_oeuvres_d_39_art_des_oeuvres_d_39_art_est_cree_et_peint_par_moi_memeMr T., 93 ans, vit seul à la Résidence. Sa jeune « moitié » de 75 ans, épousée en secondes noces, vient le voir tous les jours et lui apporte gâteaux, biscuits et boissons afin de l’aider à passer l’après-midi plus rapidement. Mr T. ne parle et ne marche pas. Il est néanmoins terriblement expressif, et, il faut bien le dire, généralement de mauvaise humeur. Les sourcils crispés en position oblique. Mr T. a déjà pulvérisé deux télévisions dans sa chambre. De colère. Colère de ne pouvoir se déplacer. Colère de ne pouvoir s’exprimer et colère de rester à la Résidence alors que sa « jeune » épouse rentre chez eux. Celle-ci est une petite dame dynamique, svelte et souriante. Elle trottine sans difficultés, chaque soir, après le bus qui mettra une heure à la ramener chez elle. Elle accepte les frasques de son époux avec le sourire, et ne se fâche jamais contre lui. Chaque fin d’après-midi, elle use de ruses et de subterfuges pour quitter la Résidence sans réveiller ce sentiment d’abandon  qui chagrine tant son mari au quotidien. Ils forment le Ying et le Yang, deux opposés que seul l’amour pouvait réunir.

"Coeur" de Bettina Maschmeyer

"Coeur violet" de Sophie Costa

"Coeur" de Andrea Haase

 

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